Il est temps à présent d’envisager les conséquences de l’hypothyroïdie sur d’autres organes comme la vésicule biliaire et le foie. L’hypothyroïdie constitue une cause très fréquente de calculs biliaires et il faut y voir un lien évident avec l’hypercholestérolémie concomitante. De manière surprenante, c’est souvent l’ablation de la vésicule biliaire ou cholécystectomie qui va révéler une pathologie thyroïdienne. Il faut bien dire que tout geste chirurgical peut entraîner le réveil d’une hypothyroïdie latente, sans doute à cause de l’agression que cet acte représente. On décrit dans la littérature médicale la survenue plus fréquente d’une insuffisance thyroïdienne après les accidents de voiture ayant provoqué un «coup du lapin» ou whiplash syndrome, la faute aux cornes thyroïdiennes pouvant être « fracturées » à l’occasion de ces traumatismes accidentels du rachis cervical.
Sur le plan hépatique, il faut savoir que l’immense majorité des réactions enzymatiques survenant au niveau du foie sont freinées en cas de faiblesse thyroïdienne, qu’il s’agisse des synthèses de protéines (par exemple, celle de la Sex Hormone Binding Globulin ou SHBG) ou de toutes les réactions de détoxication. On voit même, chez certains sujets hypothyroïdiens, des taux anormalement bas en enzymes hépatiques, transaminases et gamma-GT, un déficit qui devrait éveiller les soupçons. Ici encore, l’inverse se vérifie aussi : vu le rôle essentiel joué par les hormones thyroïdiennes dans la dégradation des lipides, on peut observer une surcharge des hépatocytes dont la souffrance s’exprime par la hausse des transaminases. C’est la stéatohépatite non alcoolique (NASH ou Non Alcoholic Steato-Hepatitis), favorisée en outre par la consommation excessive de fructose. On a également publié des liens entre hypothyroïdie et carcinome hépatocellulaire (cancer du foie) d’une part, et hépatite C chronique d’autre part, sans doute la conséquence de défenses immunitaires amoindries...
L’étape suivante se situe au niveau des intestins, en commençant par l’impressionnante prévalence (jusqu’à 15% des cas) de la thyroïdite auto-immune chez les patients souffrant de la maladie cœliaque (allergie sévère au gluten). Au Royaume-Uni, les nutritionnistes vont jusqu’à interdire le gluten à tous les patients atteints d’une maladie thyroïdienne auto-immune, considérant qu’ils présentent tous, peu ou prou, une allergie aux céréales à gluten ! En tout cas, les directives des autorités médicales sont éloquentes: «il faut toujours rechercher une maladie cœliaque en cas de thyroïdite auto-immune et vice versa ».
Pour rester dans le domaine de la muqueuse intestinale, sachez qu’elle héberge une réaction enzymatique cruciale: la conversion du betacarotène en vitamine A, fruit d’une oxydation gérée par l’enzyme betacarotène-15-15’- dioxygénase dont l’expression génique s’exprime essentiellement au niveau de la muqueuse intestinale. Cela en fait un marqueur intéressant de toute souffrance à ce niveau et donc du leaky gut syndrome. Encore plus étour- dissant, cette conversion enzymatique est accélérée par les hormones thyroïdiennes! Il existe une preuve clinique de ce contrôle enzymatique thyroïdien, à savoir la coloration orangée des paumes des mains et/ou des plantes des pieds rencontrée chez certains hypothyroïdiens. Tous ces éléments sont publiés: voyez le site internet www. gmouton.com à la rubrique «Conferences - Functional Hormonology - Thyroid» (téléchargement gratuit).
Les hormones thyroïdiennes activent par ailleurs plusieurs enzymes impliqués dans le métabolisme de la vitamine B2 ou riboflavine, en particulier celui convertissant la riboflavine en sa forme physiologiquement active, le Flavin Adenine Dinucleotide ou FAD. Ce cofacteur enzymatique joue un rôle clé dans de nombreuses réactions enzymatiques, notamment celle recyclant l’homocystéine, d’où la propension à l’hyperhomocystéinémie que nous avons évoquée précédemment comme étant un facteur de risque cardio-vasculaire.