Pour en terminer avec ce sujet, je voudrais encore revenir sur toutes les bonnes raisons qu’il y a d’aller dormir plus tôt, à savoir idéalement – répétons-le ! – vers 22h30.
Tout d’abord, c’est certainement la meilleure manière de profiter au maximum de l’obscurité et je rappelle que cette dernière protège la qualité du sommeil, même si on peut toujours tricher en occultant les fenêtres. Sachant que l’on dort typiquement pendant 7h30, un lever vers 6h coïncidera avec le lever du jour à la belle saison, pour autant qu’on ne nous sabote plus avec cette satanée heure d’été qui dérègle nos horloges internes.
Lorsque les voyageurs s’approchent de l’équateur, ils réalisent que, dans ces régions du monde, le soleil se lève à 6h et se couche à 18h. En Ethiopie, pays dont la pointe sud se situe à 3° de la latitude nord, on exprime d’ailleurs les heures en deux tranches de 12, celle du jour et celle de la nuit. Quand les gens se fixent un rendez-vous à 6h, il s’agit bien de midi et certainement pas de minuit parce que, pendant la nuit, les Ethiopiens dorment...
Et ils ont bien raison car c’est surtout en début de nuit que la plupart des synthèses hormonales ont lieu, qu’il s’agisse de l’hormone de croissance, des hormones surrénaliennes ou des hormones sexuelles. Suite à certaines publications scientifiques récentes et très sérieuses, on commence même à recommander chez les sujets relevant d’un traitement de substitution, la prise des hormones thyroïdiennes juste avant le coucher.
Venant confirmer l’exploration en cours des voies physiologiques et biochimiques par la science occidentale, la plus vieille médecine du monde (antérieure à la médecine chinoise) nous dit la même chose du haut de ses quatre millénaires d’expérience. La médecine ayurvédique ou Ayurveda fixe à 23 heures le démarrage d’un des trois cycles énergétiques auxquels nous sommes soumis. Quand on s’observe avec un peu d’attention, on constate que nous sommes effectivement envahis par une torpeur bien légitime vers 22h15 ou 22h30 : chers amis, il est alors temps d’aller dormir car c’est la fin d’un cycle naturel...
Si l’on ne s’écoute pas et si on lutte intempestivement contre le sommeil, on perçoit ensuite comme une bouffée d’oxygène pur et, au moment précis où vous ressentez le remontée de votre niveau énergétique, la lecture de votre montre vous obligera à admettre, en effet, qu’il est presque toujours exactement 23h. J’ai souvent été frappé par une telle précision. Le redémarrage qui s’ensuit nous conduit immanquablement jusqu’aux environs d’une heure du matin, période constituant ce que les anglosaxons appellent le «second wind».
Ce serait bien dommage de ne pas profiter des signaux favorables à l’endormissement survenant peu après 22h – juste au bon moment – pour ensuite se battre avec une remontée des niveaux d’énergie une à deux heures plus tard. Pourquoi ne pas s’écouter davantage?
Il est exact que ce «deuxième souffle», comme disent les anglais, peut aboutir à de belles performances intellec- tuelles, inspirées et créatrices, mais tout cela se paie. La note nous est présentée dès le lendemain matin, où nous bafouillons lamentablement alors que le monde tourne déjà à plein régime avec ou sans nous, bien au chaud sous la couette...
Plus ennuyeux encore, le deuxième souffle surfe sur une vague d’adrénaline (expliquant certaines prouesses) aux dépens des glandes surrénales. Ces dernières, deux petits chapeaux pointus un peu avachis surmontant les reins (d’où leur nom), ne sont pas prévues pour donner un tel coup de fouet tous les soirs. Il s’agit d’un mécanisme «de luxe» à n’utiliser qu’en cas d’urgence: ne le dilapidons pas sous prétexte d’assouvir une sorte de vague à l’âme qui nous incite à ne pas aller dormir... alors que l’heure est venue!